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Le coach déblogue !
26 septembre 2007

Amélie Nothomb est une femme dangereuse !

« Monsieur Haneda était le supérieur de monsieur Omochi, qui était le supérieur de monsieur Saito, qui était le supérieur de mademoiselle Mori, qui était ma supérieure. Et moi, je n'étais la supérieure de personne.

On pourrait dire les choses autrement. J'étais aux ordres de mademoiselle Mori, qui était aux ordres de monsieur Saito, et ainsi de suite, avec cette précision que les ordres pouvaient, en aval, sauter les échelons hiérarchiques.

Donc, dans la compagnie Yumimoto, j'étais aux ordres de tout le monde. »

stupeurettremblements

Ca, c'est le début du récit d'Amélie Nothomb "Stupeur et tremblements". Je l'ai acheté à sa sortie, sur le quai du métro Denfert Rochereau, en 1999. Je monte dans la rame, je m'assois et je commence la lecture. Ce premier paragraphe, me fait rire de bon coeur. Mes voisins de siège sont un peu surpris : je ne respecte pas le code implicite qui veut qu'après une journée de travail, tu dois être fatigué et faire la gueule dans le métro. Dans le métro le soir, tout autre comportement que le regard fuyant, l'air fatigué et la posture fermée à la communication avec les autres, est suspect et socialement dangereux quand tu vis à Paris !

Mais bon, moi j'adore le style de cette minette et donc je ris. Les phrases sont précises, nettes et coupantes et puis son sens de la dérision est assez incomparable. Bref, chaque arrangement des mots chez A.N  m'étonne terriblement, comme lorsque je n'ai jamais vu un truc auparavant, et moi quand je suis surpris je ris.

A ce stade du premier paragraphe, je peux encore arrêter la lecture. Et comme je n'imagine pas ce qui va m'arriver, je plonge allégrement dans "Stupeur et Tremblements".

Ma stupeur va croissant à pratiquement chaque nouvelle phrase, et les tremblements qui m'agitent expriment maintenant un rire qui devient de plus en plus expressif. Je trouve un peu de répit lorsque je lève les yeux, et je réalise que mes voisins de siège me regardent avec un air amusé et inquiet à la fois. Une demi-douzaine d'autres personnes debout autour de moi me braquent du regard avec un air totalement étonné. Ils n'ont manifestement pas l'air de croire que c'est ce petit bouquin qui provoque ces réactions chez moi. Je remarque que ma voisine de droite qui était collée à moi des épaules jusqu'aux jambes en passant par les flancs, fait désormais des efforts pour se ratatiner contre la vitre et s'échapper du moindre centimètre carré de contact de son corps avec le mien. Mais bon, moi je m'amuse bien, alors je continue ma lecture.

Mes rires ne se calment pas, bien au contraire ! Tout se passe comme si cette joie se cumulait de phrase en phrase et je franchis à chaque nouvelle page, une étape qui m'enferme totalement dans la jubilation à cette lecture. Maintenant c'est à peu près la moitié de la rame de ce métro qui me dévisage très exactement comme si j'étais un fou tout juste échappé de l'asile. L'autre moitié de la rame se hisse sur les talons pour essayer de comprendre, par dessus les épaules des premiers, à quel genre de spectacle ils peuvent bien assister.

A ce point je suis parfaitement conscient que je suis devenu une attraction à moi tout seul. D'ordinaire je suis assez peu exhibitionniste et je me serais arrêté à un stade bien moins spectaculaire que celui dans lequel je fais mon acteur impromptu à ce moment ci. Mes voisins de siège se sont levés depuis une ou deux stations déjà. Ils ont peur je suppose, d'être contaminés à mon contact par la sorte de virus mystérieux qui me frappe.

Je vis donc cette situation totalement unique d'être la seule personne assise sur les 4 places disponibles des 2 banquettes dans ce métro archi-bondé où tous les autres passagers font des efforts démesurés pour augmenter la distance qui les séparent de moi. La dernière fois que j'ai vu cette scène dans le métro à Paris, les voyageurs s'éloignaient du clochepouille qui s'était endormi dans son vomi. Et moi, plus je me vois marginalisé ainsi, plus je ris ... 

Le pire c'est que je suis absolument in-ca-pa-ble de m'arrêter ! Je comprends la totale incongruïté de ma situation mais je ne peux même pas faire une courte pause. Et même, ce total ridicule de la scène autour de moi fait désormais partie de la bulle dans lequelle je suis prisonnier. D'une certaine façon, la rame de métro est totalement intégrée à ce que je lis.

Je reprends contact avec la vraie vie au terminus de la ligne. Je quitte la rame totalement exhalté, essouflé et épuisé à la fois. Par chance, les passagers n'ont ni tiré le signal d'alarme, ni hélé les services de la sécurité du métro et je vais donc pouvoir poursuivre Stupeur et Tremblements dans le calme de mon appartement ...

J'avais oublié cette scène de l'année 1999 jusqu'à aujourd'hui. Je viens d'acheter le dernier bouquin d'Amélie, "Ni d'Eve, ni d'Adam", juste avant que de monter dans le bus 67. J'embarque d'un pas léger et je m'assois au fond du bus pour commencer ma lecture :

"Le moyen le plus efficace d'apprendre le japonais, me parut d'enseigner le français" ...

ni_deve_ni_dadam

Mon Dieu ! Ca recommence !!!

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